piano

Mäßig langsam

Si le piano n’occupe pas une place dominante dans la production schönbergienne, il présente toutefois l’inestimable intérêt de se situer régulièrement à ce que René Leibowitz a appelé des «moments cruciaux» de son évolution.

Le premier recueil pianistique tout à fait digne d’attention est celui des trois Klavierstücke op. 11. Nous sommes au seuil d’une «période» importante, — celle de l’exploration de la tonalité chromatique qui conduira vers l’atonalité. A cet égard, l’opus 11 est marqué d’un caractère d’expérimentation, avec l’assise profonde de ses basses et tous ses effets de syncopes. Mais Schönberg réussit à se forger un langage très personnel, qui transparaît moins dans les similitudes stylistiques qu’offrent les trois pièces de l’opus 11 que dans leurs différences mêmes.

Écrites deux ans plus tard, les Six petites pièces pour piano op. 19 forment un contraste avec l’opus 11 non seulement par leur durée — l’ensemble ne dépasse pas cinq minutes —, mais par leur style aphoristique: elles se situent ainsi dans le prolongement des Trois petites pièces pour orchestre de chambre concentrant les événements musicaux dans un minimum de temps, avec un minimum de moyens. On y constate une réaction contre l’hypertrophie de la «grande forme» instrumentale ou de format symphonique — telle que la pratiqua Schönberg lui-même dans nombre de ses œuvres.

La composition des Pièces op. 23 et celle de la Suite pour piano op. 25 relèvent, elles aussi, d’une période «cruciale»: celle de la mise en œuvre du principe sériel, c’est-à-dire d’«un procédé de déduction des figures mélodiques et harmoniques à partir d’une série fondamentale de certains sons et des intervalles qu’ils déterminent» (René Leibowitz). «La méthode de composer avec douze sons a eu beaucoup de tentatives préparatoires…», écrit le compositeur. «[…] Je puis mentionner les Pièces pour piano op. 23. Ici j’étais arrivé à la technique que j’intitulais “composer avec des sons”, terme très vague mais qui avait un sens pour moi. À savoir: à l’inverse de la manière courante de se servir d’un motif, je m’en servais déjà presque comme d’une série de douze sons fondamentale. Je construisais d’autres motifs et thèmes en partant de cette série, et aussi des accompagnements et autres accords, — mais le thème ne comportait pas les douze sons…» (Lettre de juin 1937 à Nicolas Slonimsky). Pas encore, certes, dans cet opus 23. Cependant, la cinquième pièce, Valse, fut la première pièce intégralement à douze sons publiée.

La Suite pour piano op. 25 est exactement contemporaine des Pièces op. 23. Mais, à l’inverse de l’opus 23, il s’agit là de la première partition intégralement dodécaphonique de Schönberg: ce qui est en particulier le cas de la pièce initiale — Präludium — qui, bien que publiée seulement en 1925, vit le jour dès juillet 1921. C’est dire quelle est l’importance historique de cette pièce notamment, et de l’opus 25 dans son ensemble, — même s’il n’apparaît pas comme une œuvre majeure dans la production schönbergienne.

Deux pièces pour piano (op.33 a et 33 b): sous un numéro commun, ce sont là les dernières partitions pour piano seul de Schönberg. Chacune représente une sorte de synthèse de tout ce qu’écrivit le compositeur pour le piano. Cependant, «tout est différent entre elles, qu’il s’agisse des séries de base, de l’allure générale, des matériaux mélodiques et harmoniques, ou même de l’écriture pianistique. Et pourtant, on ne pourrait imaginer un plus heureux accouplement». (René Leibowitz)

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