Trio In Extremis performs For Philip Guston by Morton Feldman.

Schedule change: now at 1:30 pm.

Anything can happen during the uninterrupted presentation of this four hour work. (Yes four hours!) For the adventurous who wish to come along and meditate on the meaning of life.

“Cage and Feldman were in my studio […] and I had done what were probably the sparest pictures of all […] John Cage was very enthusiastic about it, and he said, ‘My God, Isn’t it marvelous that one can paint a picture about nothing!’ Feldman turned to him and said, ‘But John, it’s about everything!’”

— Musa Mayer, Night Studio: A Memoire of Philip Guston. Édition Knopf, New York, 1988.

Participants

Program

Coproduction SMCQ / Espace musique

Concert # 280.

Mot du directeur artistique

Ma première rencontre avec Morton Feldman remonte au milieu ou vers la fin des années 1980. J’assistais à un concert de Sound Pressure, il me semble, à la Music Gallery de Toronto — «l’originale», la «vraie» — située rue Queen, dans le sous-sol poussiéreux d’un vieux YMCA de l’ouest de la ville, en compagnie de Robert Aitken et de quelques amis musiciens du flûtiste, dont Morton Feldman. D’ailleurs, Louis Andriessen était à un des pianos — on y jouait sa pièce Hoketus —, bière déposée sur le piano et cigarette au bec, (essayez d’imaginer cette scène aujourd’hui…) le tout, dans une ambiance surchauffée de taverne enfumée…

Nous nous rendîmes par la suite dans un restaurant coréen où j’entrepris la conversation avec Feldman, parlant de mille et un sujets. Je dois vous décrire le «personnage» avant de poursuivre: vêtement genre «négligé», très grand, assez bien bâti, les cheveux longs et gras repoussés vers l’arrière, un nez énorme sur lequel reposent des lunettes gigantesques et derrière lesquelles brillent des yeux d’une rare malice.

En outre, il parle TRÈS FORT, avec un accent de Brooklyn à couper à la hache… (ex: bird = «boyd»; car = «ca’h», etc.)

À brûle-pourpoint, entre deux bouchées, il me demande avec un air sournois ce que je pense de la musique de Messiaen et j’enchaîne avec un exposé déférent, courtois, voire savant, «Oui, j’ai bien certaines réserves, mais enfin, sa contribution… l’ampleur de la Turangalîlâ, Et expecto…, Chronochromie, les Sept Haïkaï, les chants d’oiseaux, les rythmes hindous, etc… pour me faire répondre de but en blanc que «Messiaen is all bullshit»!!!!

Point à la ligne!

WOW! La discussion prit alors un tournant pour le moins imprévu! Le ton monta exponentiellement de plusieurs crans et j’avoue que j’en étais prêt à en venir à des arguments «extrêmes», dont l’issue m’aurait sûrement valu la chaise électrique! (Aux USA…)

Coup de théâtre!

«Morty» (pour les proches…) s’esclaffe soudainement d’un rire tonitruant et m’annonce sur un ton jovial, qu’il ne faisait que «tester» ce jeune blanc-bec («Just checking you out kid»), que je m’en étais bien sorti et qu’il aimait bien la musique de Messiaen…

La soirée s’acheva donc dans une relative sérénité, malgré ma lancinante et désagréable impression d’avoir été, à mon corps défendant, le dindon de la farce dans cette confrontation préméditée…

Quelques années plus tard, alors que j’emprunte la rue Bishop en voiture, j’aperçois «Morty» qui déambule avec sa femme, la compositrice Barbara Monk (originaire de Granby).

Bip! Bip! Je baisse ma vitre et la conversation s’engage au bord du trottoir. Nous décidons lui et moi (Barbara n’était pas d’accord, Morty était malade et l’alcool et le tabac lui étaient strictement interdits) de poursuivre la discussion en prenant un «dernier» verre au Lola’s Paradise, coin St-Laurent et Prince-Arthur.

Quelle soirée! Alors là, le ton avait vraiment changé!

Nous avons échangé librement en fumant des cigares, bien arrosés de vieil Armagnac sur tout ce qui touche le métier de compositeur, le temps musical, la perception de la durée, l’utopie sérielle, ses souvenirs, les ragots sur Cage, Boulez, Stockhausen et autres icônes de son époque et il m’a aussi raconté que le célébrissime saxophoniste de jazz Charlie Parker, une fois la «gig» terminée aux petites heures du matin, se rendait devant la demeure de Varèse, rue Sullivan, dans l’espoir d’y apercevoir peut-être son «idole», parce que Varèse avait cette réputation du «Mad Composer» auprès de l’avant-garde new-yorkaise, qui en avait fait son maître à penser, et ce, même chez les jazzmen…

C’est la dernière fois que je l’ai vu et j’en garde le souvenir impérissable, d’un homme inquiet, d’une grande délicatesse, d’un raffinement extrême, d’une culture impressionnante, d’un sens de l’humour tranchant comme une lame de rasoir et surtout, d’une générosité peu commune.

La façade avait laissé place à l’authenticité…

Il est mort quelques mois plus tard, laissant derrière lui une œuvre tout à fait conforme à la démesure du personnage. Tout aussi bruyant qu’il était dans la vie, pour ne pas dire mal dégrossi, tout aussi raffinée et subtile est sa musique.

Personnalité ambiguë du monde de la musique, contradictoire jusque dans ses moindres faits et gestes, sa musique — même dans les moments les plus épurés — représente à mes yeux l’un des «exercices» les plus extrêmes qui soient: à savoir qu’elle tente de conjuguer au temps musical relatif à nos horloges biologiques internes, le déroulement inéluctable du temps universel qui s’écoule, indifférent à nos existences précaires.

Quel projet grandiose!

Walter Boudreau, 33 avril 2006