Le compositeur Denis Gougeon, qui remportait l’an dernier le 1er prix lors du Concours de composition international de Shanghai où l’avait amené la SMCQ, participe présentement à la grande finale de l’événement, dans le cadre de l’Exposition universelle de Shanghai. Son œuvre sera présentée demain dans un concert aux côtés des œuvres des deux autres finalistes (Simon Steen-Anderson, Danemark, et Krystof Maratka, France), et est assurée de remporter l’un des trois grands prix. Il nous raconte ici les premiers jours de son périple en Chine.

Après un vol sans histoire de plus de 15h, me voici à nouveau dans une ville plus grande que nature… Meilleure ville, meilleure vie… c’est le thème de l’Expo universelle 2010. En effet, on peut se demander que seront les villes de demain. Comment peut-on faire un meilleure ville; tout un défi! Seront-elles toutes à l’image de Shanghai, ce vaste terrain de jeux pour architectes? À la fois gigantesque, étalée autant à la verticale (des milliers d’édifices) qu’à l’horizontale, un pied dans la tradition et un dans la modernité, Shanghai est tout de même très accueillante. Ma première visite remonte à 2008. Shanghai apparaissait comme un chantier permanent. Cela s’est continué l’an dernier alors que s’achevaient les derniers préparatifs pour l’Expo.

Aujourd’hui, j’ai remarqué que le long des autoroutes qui s’enchevêtrent sur trois ou quatre paliers, on a disposé des bacs de fleurs et humanisé un peu cette pieuvre de béton. Imaginez l’autoroute métropolitaine à Montréal entièrement bordée de bacs de fleurs des deux côtés… pendant des kilomètres… Mais il n’y a pas que les autoroutes… la ville est propre et très fleurie. Les parcs sont beaux et l’accueil des Shanghaiens sympathique. J’ai noté qu’ici, à l’hôtel, les employés parlent de plus en plus l’anglais. Bref, Shanghai accueille toute la planète, et ça paraît.

Alors ce matin, c’était la répétition des 3 œuvres des lauréats. C’est l’orchestre Philharmonique de Radio-France, sous la direction de François-Xavier Roth, qui joue nos œuvres. Le finaliste Danois s’appelle Simon Steen-Andersen, le Français Krystof Maratka et moi. La répétition s’est déroulée dans une salle située dans le ventre de ce magnifique bâtiment qu’est le Grand Théâtre de Shanghai. L’œuvre de Simon s’intitule Overture et relève d’une esthétique plutôt «bruitiste». Le soliste joue le Guzheng, instrument à cordes pincées. Mais le compositeur l’utilise de manière totalement anti-idiomatique, si l’on veut. Il explore une variété de sons-bruits tout aussi étonnants les uns que les autres avec des échos et des techniques similaires en écho répercutés à tout l’orchestre; c’est en somme une musique d’écoute de l’intérieur du son grâce à des modes de jeux très singuliers: à découvrir!

Après une brève pause des musiciens, on a répété l’œuvre de Maratka intilulée Chant Ghaï. Le suona est l’instrument vedette de cette œuvre. Imaginez une sorte de hautbois avec un pavillon de trompette, voilà à quoi ressemble cet instrument. Il se joue avec une anche double et produit un son très aigu et très… perçant! Instrument vedette dans le théâtre chinois, il peut imiter la langue chinoise… C’est un instrument spectaculaire pas sa virtuosité et le compositeur a bien réussi à le mettre en évidence: cette pièce va assurément plaire au public!

Ensuite, c’est ma pièce qu’on répète. Elle s’appelle Toy (Music box). Je l’ai composée pour 2 flûtes de bambou qu’on appelle ici Dizi. J’ai eu le bonheur d’écrire à nouveau pour ces deux solistes de très haut niveau. Voici la note de programme qui vous informe sur sa conception. Il faut savoir qu’à l’origine de cette commande, il fallait utiliser des instruments traditionnels chinois et une mélodie folklorique chinoise. La mélodie utilisée s’appelle The Scenery of Wuxi.

La première fois que j’ai écouté The Scenery of Wuxi, j’ai été profondément séduit par la sensualité et l’évocation présentes dans cette musique magnifique. Je me suis mis à imaginer que cette musique pourrait être enfermée dans une boîte à musique. Ainsi, en l’actionnant, elle déclencherait tout un monde de souvenirs et d’émotions propres à chacun. J’ai choisi de faire jouer 2 flûtes de bambou (Dizi), comme si 2 personnes observaient un paysage et qu’elles le commentaient tour à tour. Au tout début, on y entend la pulsation d’une horloge (2 wood-blocks), comme une machine à remonter dans le temps, celui de nos souvenirs. C’est ainsi que la musique oscille entre les duos, qui sont de véritables dialogues, et le monde évoqué qui est représenté par l’orchestre. On pénètre ainsi dans un monde imaginaire où se font entendre d’autres dialogues de flûtes de même que l’apparition d’une autre musique «mécanique» qui déclenche d’autres souvenirs… À la fin, les deux flûtes jouent une mélodie toute simple accompagnée par l’orchestre qui émerge de leurs souvenirs profondément enfouis. Et vous, cher auditeur, qu’y aurait-il dans votre boîte à musique? Quelle musique et quels souvenirs aimeriez-vous y mettre?

Il faut savoir également que nos œuvres ont été allongées à 12 minutes, soit 2 fois plus que l’œuvre présentée à l’origine. Le chef a accompli un excellent travail de répétition de section, de travail sur les tempi et d’accompagnement des solistes. L’accueil de la part des musiciens a été très sympathique!

Je vous tiendrai au courant du résultat demain.

By et bises de Chine

Denis Gougeon

Nouvelle écrite par Noémie Pascal et publiée le lundi 3 mai 2010.