petit ensemble
I Java (bien articulé, dansant)
II Série blême (dans une intensité glacée)
III Rimettes bouclées (très dynamique, explosif!)
MIMODRAME: oeuvre dramatique exprimée par des gestes, des danses, et accompagnée de musique, sans aucun texte dit. SIMIODRAME: néologisme fondant mimodrame et simiesque. …à propos oeuvre dramatique… ici pas de programme sinon bien volatile: des images suggérant des situations imaginaires. À propos gestes… comme souvent, j’aime me référer à des habitus musicaux; pas de citation mais des allusions à des styles et genres. La «Java» est cette danse en 3⁄4 popularisée dans les années vingt; celle proposée ici est une tentative amusée de faire à la syntaxe musicale ce que Boris Vian fait à la langue1. Le 3⁄4 est un peu tordu en un 4+5+4/16 fluctuant lui-même à l’occasion. On peut y sentir toute la saveur des «fausses attractions tonales» que j’aime bien pratiquer. L’esprit swing de la pièce ne l’empêche pas de s’enrouler dans un petit canon assez classique. «Série blême» pourrait constituer une sorte de réminiscence de l’adagio de cordes romantique. Les «Rimettes bouclées» ont beaucoup à voir avec le déroulement de la pièce de jazz mainstream standard: thème repris et varié dans les chorus, breaks occasionnels, motifs riff récurrents. Au plan métrique, la «poly-métrique» éclatée de Comme un silène entr’ouvert s’est transformée en une suite de pseudo-mètres toujours changeants, tenant les musiciens sur la sellette; le taux de changement est si rapide qu’on aboutit à une sorte de musique syncopée sur un tapis de pulsations virtuelles. …à propos simiesque… L’iconographie du Moyen-âge voit dans le singe la personnification du mal en tant que distorsion grotesque de l’homme. À la Renaissance, on utilise volontiers la figure du singe pour symboliser l’artiste qui s’essaie à représenter la nature: Ars simia Naturae. Mais c’est en tant que prétexte à ironiser sur nos vanités et prétentions que notre frère de lait nous demeure le plus sympathique. — Denys Bouliane, 1990 (commande du ministère français de la Culture pour les 19e Rencontres internationales de Metz-Ensemble Köln)
1. «Dans la vie, l’essentiel est de porter sur tout des jugements à priori. Il apparaît, en effet, que les masses ont tort et les individus toujours raison. Il faut se garder d’en déduire des règles de conduite: elles ne doivent pas avoir besoin d’être formulées pour qu’on les suive. Il y a seulement deux choses: c‘est l’amour, de toutes les façons, avec des jolies filles, et la musique de la Nouvelle-Orléans ou de Duke Ellington. Le reste devrait disparaître, car le reste est laid, et les quelques pages de démonstration qui suivent tirent toute leur force du fait que l’histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre. Sa réalisation matérielle proprement dite consiste en une projection de la réalité, en atmosphère biaise et chauffée, sur un plan de référence irrégulièrement ondulé et présentant de la distorsion. On le voit, c’est un procédé avouable, s’il en fut.» (Vian, avant-propos à L’écume des jours, 1947)
Exécution
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Jeudi 2 mars 2006