alto et orchestre de chambre (14)

Berceuse in memoriam Morton Feldman

En ce qui a trait au processus, mon Concerto pour alto est un peu le contraire des Trois lieder.

Je me suis posé beaucoup de questions et ai vécu le syndrome de la page blanche…

Puis un jour, j’ai composé une petite berceuse en cadeau pour un ami qui venait d’avoir un enfant et cela a servi de point de départ, d’étincelle pour cette œuvre.

La virtuosité, au sens romantique du terme, ne m’a jamais vraiment attirée. Cette œuvre ne procède donc pas de manière traditionnelle en ce qui concerne le rapport du soliste à l’ensemble; nous sommes loin du schéma traditionnel du héros virtuose avec un orchestre en second plan accompagnant ses exploits. Ainsi, sa voix, bien que mise en évidence, n’est pas celle d’un héros, mais celle d’un enfant qui joue avec ses objets favoris, en contemplant l’univers.

La pièce est donc conçue un peu comme une boîte à musique, d’où émergent peu à peu quelques objets musicaux, qui finissent par se construire leur histoire, leur propre forme.

On y trouve aussi une citation de la pièce The viola in my life de Morton Feldman, compositeur que j’affectionne particulièrement et à qui elle est dédiée.

Je souhaitais, avec cette pièce, un peu à la manière du compositeur hongrois Kurtág, évoquer «une sorte de dessin d’enfant qui représente un pays de nulle-part», un lieu où le temps chronométrique et l’histoire sont caducs, et où tout n’est que sensation pure et inaltérée. Sorte de retour au jeu et à la prédominance de l’instinct, dans notre monde où tout est immédiatement minuté, classifié, jugé et comparé…

Mais la musique n’a-t-elle pas cette capacité à parfois arrêter le temps chronométrique et à aller chercher l’enfant en nous?

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Exécution